Programme > Par intervenant > Lafforgue Flora

Construire des imaginaires contre l'hétéronormativité des villes
Flora Lafforgue  1@  
1 : HiCSA - histoire culturelle et sociale de l'art
Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
Paris -  France

Sur l'importance d'une présence artistique queer dans l'espace public comme outil d'appropriation politique de la ville.

Présentation :


En 2018, la Mairie de Paris mettait en place des passages piétons aux couleurs arc-en-ciel dans la quartier du Marais, lieu historique des sociabilités homosexuelles depuis quatre décennies. Le but affiché par les officiels de la ville était de mettre en place, au sein de l'espace public, desmarques symboliques de la volonté de Paris de lutter contre l'homophobie et la transphobie. Si cette politique de communication a été perçu par certains citadins comme un acte fort, et a
hérissé la droite parisienne, avec un procès à la clef, elle n'en reste pas moins un acte de pinkwashing dans la ligne classique de la municipalité, sans grand lien avec la réalité politique du lieu. Un an avant, en 2017, l'artiste queer Maïc Batman avait réalisé un grand collage mural sur le mur Saint-Martin, espace de street art accolé à la Mutinerie, « un lieu féministe, par et pour les meufs, gouines, bies, trans', queers ». Il représentait un nu féministe au sexe fièrement dévorant : la fresque fut détruite dans la nuit par le commissariat du quartier, en toute impunité.La réalité de la présence artistique queer dans l'espace public, lorsqu'elle est le fruit d'une pensée politique revendicatrice émanant des premiers et premières concerné.e.s est donc bien plus précaire et réprimée. Et pourtant, dans Paris et dans les villes de banlieue, les expériences et pratiques artistiques queer sont bien présentes, actes de résistance, de propagande, d'affirmation et de solidarité au sein de villes où le mépris et les agressions des personnes LGBTQI ne disparaissent jamais. Remplir l'espace, refuser l'assignation à l'espace privé, tenir la rue, montrer qu'on existe, contrecarrer les autres discours visuels : l'art queer dans l'espace public est une manière de lutter et un outil d'appropriation politique de la ville, héritier des pratiques de propagande de la gauche militante, de l'iconographie féministe, du street art, du land art, de la performance, émanations intrinsèques des visibilités queer. « On est visible, donc on est politique » annonçait l'artiste Kiddy Smile au journal Libération en août 2018. La ville est remplis des « lieux de l'homophobie ordinaire » pour reprendre les mots d'Arnaud Alessandrin et Yves Raibaud dans un article de 2013. À travers la mise en exergue de certaines oeuvres clefs de la décennie en cours (affiches, fresque, installations, performances), nous nous proposons de développer une analyse de la présence artistique queer dans l'espace public parisien et en banlieue, comme médiums de résistance à ces lieux de l'oppression ordinaires et comme affirmation d'autres possibilités d'être au monde. Nous analyserons ces oeuvres comme action et signification d'une pensée artistique et politique émancipatrice et vectrice de transformations sociales. Nous nous proposons également d'analyser ces oeuvres à travers le prisme de l'histoire sociale et culturelle de l'art, c'est à dire de nous attacher à définir l'historicité comme la matérialité de ces pratiques pour mieux en comprendre l'actualité et les enjeux.

Bibliographie indicative :


BOIDY Maxime, Les Etudes visuelles, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 2017, 183 pages.

CASTILLO Alejandra, Ars Disyecta. Figuras para una corpo-politica. Santiago de Chile, Palinodia,
2018, 148 pages.


CEJAS Monica (coord.), Feminismo, cultura y política: prácticas irreverentes, Mexico, Itaca-UAM-X,
2016, 259 pages.

DE LAURETIS Teresa, Théorie queer et cultures populaires : De Foucault à Cronenberg, Paris, La
Dispute, 2007, 189 pages.

DELPEUX Sophie, Le corps-caméra : Le performer et son image, Paris, Textuel, 2010, 188 pages.


LACROIX Bernard et alli (dir.), Les contre-cultures. Genèses, circulations, pratiques, Paris, Syllepse,
2015.


LORENTZ Renate, Art Queer, Paris, B42, 2018, 197 pages.


SEVERI Carlo et alli, Traditions et temporalités des images, Paris, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes
en Sciences sociales, 2009, 266 pages.


WITTIG Monique, La pensée Straight, Paris, Editions Amsterdam, 2018, 160 pages.

Eléments biographiques :
Actuellement en fin de première année de doctorat en histoire de l'art contemporain à Paris 1, sous la direction de Catherine Wermester et Maria Guadalupe Huacuz Elias, ma thèse s'intitule : « Irene Dominguez, l'iconographie féministe des corps comme paradigme de l'émancipation. 1960 - 2018. » J'ai précédemment réalisé un mémoire de master 1 d'histoire de l'Amérique latine intitulé : «Écrire, Dessiner, Résister - Les publications illustrées clandestines de la gauche chilienne durant les premières années de la dictature militaire, 1973 - 1979 », ainsi qu'un mémoire de master 1 d'histoire de l'art intitulé : « Faire fonctionner les icônes - La manipulation de la figure féminine dans les affiches de propagande de la guerre civile espagnole - 1936 - 1939.» J'ai par la suite rédigé un mémoire de master 2 co-dirigé histoire - histoire de l'art : « L'Espagne de 1936 comme enjeu, modèle et idéal politique - Imaginaires, créations et prises de position des gauches internationales - Europe et Amérique latine ». Je m'intéresse principalement à la dialectique entre histoire visuelle du politique et histoire politique du visuel. Après plusieurs années de recherches essentiellement tournées vers les productions artistiques marxistes ou anarchistes, je me suis orientée vers des problématiques d'art militant essentiellement féministe et/ou queer.


Personnes connectées : 2 Vie privée
Chargement...